Banque centrale allemande : le compte de réévaluation de l'or souligne la solidité du bilan

Lors d'une conférence de presse début 2023, Joachim Wuermeling, membre du directoire de la banque centrale allemande, a clairement indiqué que la solidité du bilan de la banque centrale, compte tenu des pertes générales, était garantie par le compte de réévaluation de l'or de la banque. Le témoignage de Wuermeling implique que la banque est prête à utiliser son compte de réévaluation de l'or pour couvrir ses pertes.

Le président de la banque centrale néerlandaise a fait une remarque similaire en novembre 2022. Ces déclarations accentuent le rôle de l'or en tant que remède aux défis financiers créés par l'impression monétaire illimitée.

Image : Banque fédérale via Flickr

Comme beaucoup de banques centrales de nos jours, la banque centrale allemande (Bundesbank, ou « Buba » en abrégé) affiche des résultats déficitaires. De nombreuses années de politique monétaire non conventionnelle ont amené Buba à acheter de grandes quantités d’obligations du gouvernement allemand, inscrites à l’actif de son bilan, avec des réserves bancaires fraîchement créées au passif. Maintenant que les taux d'intérêt augmentent, les intérêts payés par Buba sur ses réserves bancaires dépassent les revenus d'intérêts sur son portefeuille obligataire, ce qui entraîne une perte qui ronge les réserves de capitaux de la banque.

Un compte de réévaluation de l'or (GRA) est un élément comptable du passif d'un bilan, faisant partie des capitaux propres*, qui enregistre les gains non réalisés sur les actifs en or. Simplifié, lorsque le prix de l'or s'apprécie, un GRA gonfle, et lorsque le prix se déprécie, il se contracte.

GRA = Valeur actuelle de l’or – Coût historique d’achat de l’or

Exemple de bilan d'une banque centrale. Les capitaux propres nets sont égaux à la différence entre l'actif et le passif. Le capital, les réserves et les provisions incluses dans les capitaux propres sont simplement appelés « capital » dans cet article.

L’or étant la seule monnaie internationale qui ne peut pas être imprimée, le prix de l’or libellé en monnaies fiduciaires augmente considérablement à long terme, créant d’importants gains non réalisés lorsque le métal est détenu pendant une période prolongée.

En théorie, les banques centrales peuvent utiliser les GRA pour absorber les pertes générales. Toutefois, les règles comptables déterminent que seuls les coussins de fonds propres peuvent être utilisés à cette fin, et non les GRA. Tout d’abord parce que les GRA sont des gains latents et que le capital est constitué de gains réalisés. Supposons en outre qu’une banque centrale fonctionne à perte et utilise pleinement son GRA pour compenser lesdites pertes. Puis, l’année suivante, le prix de l’or diminue. Une fois son GRA vidé, la baisse de la valeur des actifs en or sera comptabilisée comme une perte et pourra anéantir les réserves de capitaux de la banque. Ainsi, les règles comptables stipulent que les GRA sont destinés à amortir les retracements du prix de l’or (page 26).

Considérez les GRA comme faisant partie des capitaux propres nets, mais protégés du fonctionnement en tant que capital. Mais dans le monde de la comptabilité, rien n’est gravé dans le marbre. Les règles peuvent être modifiées ou contournées, comme l’ont fait les banques centrales de Curaçao et de Saint-Martin en utilisant leur GRA en 2021.

On pourrait affirmer que le recours aux GRA pour absorber les pertes n’est imprudent que s’il existe une probabilité que le prix de l’or tombe en dessous du prix d’achat historique. De nombreuses banques centrales européennes, comme la Bundesbank, ont acheté leur or pendant Bretton Woods pour 35 dollars l’once troy fine et leurs GRA sont énormes. Dans la mesure où le prix de l'or n'atteindra plus jamais 35 dollars l'once, ce ne serait pas un péché pour Buba d'utiliser son GRA. Pour vous donner une idée sur les finances de l'or de la Bundesbank :

GRA 176 milliards d’euros = valeur actuelle de l’or 184 milliards d’euros – Coût historique d’achat de l’or 8 milliards d’euros

Il est possible de calculer la quantité de GRA qui peut être sapée en estimant un plancher plausible pour le prix de l’or sur le marché libre. Si la Bundesbank estime que le prix de l'or ne descendra pas en dessous, par exemple, de 400 euros l'once, elle peut puiser 20 % de son GRA (35 milliards d'euros). Avec un plancher de 700 euros l'once, elle peut utiliser 40 % de son GRA (70 milliards d'euros), etc.

C’est avec cette logique à l’esprit et face à de nouvelles tensions financières à l’horizon que la banque centrale allemande envisage désormais publiquement d’utiliser son GRA pour compenser ses pertes.